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01/05/2015

Bernie Sanders : un antilibéral contre Mme Clinton

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À 73 ans, le néo-rooseveltien du Vermont se lance dans la présidentielle. Face à la campagne de l'Argent et à Mme Clinton, autoritaire exécutante de Wall Street... 


 

Bernie Sanders est hors-normes aux Etats-Unis : 73 ans, sénateur indépendant du Vermont depuis 2007 (après sept élections comme représentant), « socialist » affiché (provocation suprême aux Etats-Unis), ce grand-père est aussi un ancien charpentier, un ancien journaliste, et le fils d'un immigré juif polonais de Brooklyn. Sa carrière politique est un parcours du combattant : contre la guerre du Vietnam, contre les guerres d'Irak, contre l'industrie des armes à feu, contre les délocalisations, contre le libre-échangisme, contre la politique ultralibérale de Greenspan, pour la protection des travailleurs, pour une véritable sécurité sociale... Révolté par les complaisances d'Obama envers les exemptions d'impôts bushiennes au profit des milliardaires, Sanders fit un coup d'éclat au Sénat, le 10 décembre 2010, en gardant la parole pendant huit heures et demie d'affilée (comme James Stewart dans Mr Smith goes to Washington : photo ci-dessous). En foi de quoi il fut réélu avec 71 % des voix, en novembre 2012, face au républicain McGovern... 

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Bernie Sanders n'est pas un « cultural radical » rescapé des années 1960. C'est un rooseveltien [1] mais version 2015, autrement dit :

► non au « libre-échange absolu qui prive les travailleurs américains de leur emploi pendant que les travailleurs étrangers sont exploités dans des ateliers de misère »,

► non à la concentration médiatique,

► oui à l'action immédiate face au réchauffement climatique (autre provocation aux Etats-Unis) [2],

► oui à un moratoire sur le nucléaire  [3],

oui à une mise au pas fiscale des milliardaires...  [4]

Autant de raisons qui le dressent contre Obama et contre Hillary l'Inévitable, avec lesquels il n'a qu'un point commun : son suivisme « progressiste » en matière de nouvelles moeurs... Nobody's perfect.

Le vieux lutteur est donc candidat à l'investiture démocrate pour la présidentielle de 2016. C'est pour « mettre en lumière l'immoralité du système économique US, trop favorable aux milliardaires ». Il explique : « Comment est-il possible que les 1 % les plus riches détiennent presque autant à eux seuls que l'ensemble des 90 % les moins riches ? Ce type d'économie est non seulement immoral et mauvais, mais insoutenable ! J'ai rencontré beaucoup d'Américains en colère durant ces dernières années. Les uns étaient dans le mouvement Occupy Wall Street et se voyaient comme des progressistes ; les autres étaient dans le Tea Party et se voyaient comme des conservateurs. Et les uns comme les autres, ils ont tous les droits au monde d'être en colère ! Ils voient l'explosion de la technologie. Ils regardent la télé et voient les immenses bénéfices annoncés par l'économie globale. Mais quant à eux, ils travaillent toujours plus pour gagner toujours moins, et ils sont angoissés par ce qui va arriver à leurs enfants... On ne peut pas continuer à avoir un pays qui a le taux le plus élevé de pauvreté chez les enfants parmi les pays développés, alors que règnent  les millionnaires et les milliardaires... »

C'est une dénonciation du mythe du « trickle-down », ce prétendu « ruissellement » des profits du riche censés retomber en bénéfices dérivés sur le pauvre : axiome fondamental de l'ultralibéralisme, réfuté avec colère par le pape François dans l'exhortation apostolique La joie de l'Evangile...

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De là à voter pour le populiste de gauche Bernie Sanders, il y a un pas que les électeurs démocrates ne sont pas prêts à accomplir : les sondages sont en faveur de Mme Clinton. Mais précisément, Sanders veut avoir avec elle un « débat authentique et sérieux » : « Il faut un débat sur le moyen de reconstruire la classe moyenne qui s'effondre. Un débat sur le moyen d'inverser le changement climatique. Un débat sur la politique étrangère, sur la politique commerciale, sur Wall Street. Ce serait bon pour le peuple américain, je vous le dis en toute franchise ! »

Mme Clinton est pour le traité de libre-échange euro-américain qui se trame en secret cette année (et qui sera imposé d'un seul coup aux populations par Bruxelles et Washington). Le sénateur Sanders est contre. Voilà déjà un sujet d'empoignade... Sanders annonce qu'il ne portera aucun coup bas parce que « ça n'a jamais été mon genre, je préfère l'argumentation ». Mme Clinton débattra-t-elle sur le fond, ce qui susciterait le grand déballage antilibéral souhaité par son adversaire ? Elle voudra plutôt disqualifier celui-ci par des biais : méthode de ces duels perfides que sont les face à face télévisés. Le seul coup qu'elle ne pourra pas jouer sera de traiter Bernie Sanders d'antisémite.

 

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[1] « Nous avons besoin d'un grand programme fédéral d'emplois, pour remettre au travail des millions d'Américains. Le moyen le plus rapide est de rénover nos infrastructures croulantes, nos routes, nos ponts, notre système d'adduction d'eau, nos usines de retraitement, nos aéroports, nos voies ferrées et nos écoles. Un investissement de mille milliards de dollars dans les infrastructures créerait 13 millions de jobs décemment payés... »

[2] Discours au Sénat, 30/07/2012 : « Lorsque le sénateur Inhofe dit que le réchauffement climatique est un canular, il a tout à fait tort (he's dead wrong) car une grande majorité de scientifiques du climat s'accordent sur ce phénomène. »

[3] Discours du 20/03/2011 : « Dans un système de libre entreprise, l'industrie nucléaire devrait être tenue de s'assurer contre les accidents. »

[4] Déclaration du 27 avril 2015 : « Nous perdons quelques 100 millions de dollars par an à cause des firmes et des milliardaires qui escamotent leur argent dans des endroits comme les îles Caïman. Une véritable réforme fiscale pourrait produire un volume d'argent significatif, qui serait investi dans les infrastructures et l'éducation. »

  

Commentaires

"POPULISTE"

> Par contre, on va lui faire le coup du repli protectionniste-frileux-identitaire-démagogue-populiste.
Au fait, il est très significatif que, dans une époque on l'on se drape (Eglise comprise) dans la "Démocratie", ces mots qui renvoient à l'éducation du peuple ou au souci du peuple, soient fortement péjoratifs.
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Écrit par : Pierre Huet / | 01/05/2015

PAS UN

> Et dire que nous n’avons même pas la chance d’avoir un « Bernie Sanders français », parmi nos députés et sénateurs (appel au peuple : en voyez-vous un ?) !
De quoi s’interroger encore une fois sur la production de l’élite politique en France, sans doute beaucoup moins ancrée qu’aux Etats-Unis dans la société civile, mais rendue au contraire stérile par sa cooptation dans les rangs de la haute fonction publique et au sein des appareils partisans.
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Écrit par : Denis / | 01/05/2015

Denis,

> puis-je vous suggérer la lecture du livre de John R. McArthur, le rédacteur en chef du 'Harper's Magazine', intitulé "Une caste américaine" (Les Arènes, 2008).
Vous y découvrirez que, même sans cooptation dans la haute fonction publique, la "production de l'élite politique" aux États-Unis ne peut faire envie à absolument personne.
Quant aux appareils partisans, le système mafieux documenté par M. McArthur fait passer notre propre système de parti pour un pique-nique chez les scouts.
Du reste, un think tank basé à Washington a fait savoir lors des dernières élections de la chambre que, désormais, il n'y avait plus un seul "congressman" américain qui ne soit millionnaire.
Si ces gens-là sont ancrés dans la société civile, je me demande bien laquelle.
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Écrit par : Christian / | 01/05/2015

@ Christian

> Merci de m'ouvrir les yeux…
Et cependant, il existe un Bernie Sanders !
Est-il lui aussi millionnaire ?
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Écrit par : Denis / | 01/05/2015

UMP

> Toutefois, chez nous, les esprits bougent aussi, petit à petit. Entendu avant hier, un peu par hasard, sur une radio qui s'affiche "de droite", un député UMP se livrer à une critique assez générale de la mondialisation libérale.
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Écrit par : Pierre Huet / | 01/05/2015

LES FICELLES

> Pour nous, ici, l'important est surtout de couper les ficelles qui font de nous des pantins, plutôt que de savoir qui tient lesdites ficelles:
http://reseauinternational.net/cette-france-americaine-qui-se-renie-et-nous-detruit/
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Écrit par : Pierre Huet / | 02/05/2015

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